Les prix de l’énergie seront le moteur du ralentissement de l’inflation américaine. C’est pourquoi la Fed va encore augmenter les taux de 75 points de base.

Economie & Finance

C’est le jour de l’inflation américaine. Les futures de Wall Street sont en hausse (+0,45% pour le Dow Jones et +0,48% pour le S&P500), le dollar est faible face à l’euro à 1,01484 (+0,29%), et le rendement du Trésor américain à 10 ans est en baisse à 3,329% en attendant la publication à 14h30 des données sur l’inflation américaine, vue en baisse pour le deuxième mois consécutif en août à 8,1% en glissement annuel (-0,1% en glissement mensuel) contre 8,5% en juillet. Les marchés espèrent que cette lecture fournira de nouveaux indicateurs de l’atténuation des pressions sur les prix dans l’économie américaine. Alors que l’inflation de base en août est attendue par les économistes à +0,3% en glissement mensuel et 6,1% en glissement annuel (précédent : +0,3% en glissement mensuel, +5,9% en glissement annuel).

Les prix de l’énergie entraîneront un ralentissement de l’inflation globale

Dans l’analyse de Blerina Uruci, économiste américaine chez T. Rowe Price, la composante énergie devrait baisser de 6% sur une base mensuelle (tirée par l’essence à -10,2%). Ceci impliquerait un frein de 0,53 point de pourcentage sur l’IPC mensuel, faisant plus que compenser la contribution positive de 0,4 point de pourcentage des composantes alimentaires et de base. “Selon mes prévisions, l’énergie continuera à peser sur l’indice désaisonnalisé jusqu’en novembre, mais dans une mesure de plus en plus faible. Les retombées potentielles de la crise énergétique européenne impliquent une certaine hausse des prix de l’énergie, mais les prévisions d’un ralentissement potentiel de la demande mondiale vont dans la direction opposée”, explique Blerina Uruci, qui prévient qu’en raison des effets de base, l’inflation annuelle de base devrait s’accélérer dans les deux prochains rapports, “une nouvelle potentiellement inconfortable pour la Fed”. Pour être clair, l’expert ne pense pas que la Fed doive s’inquiéter de ces données, mais il est également sensible aux effets sur l’opinion publique et le Congrès. Raison de plus pour conserver une attitude belliciste.

Malgré la baisse attendue de l’inflation américaine, la Fed augmentera ses taux la semaine prochaine de 75 points de base.

La hausse de l’inflation a entraîné une série de fortes augmentations des taux d’intérêt par la Réserve fédérale. Mais même si l’inflation semble être en baisse, la Fed devrait continuer à augmenter les taux d’intérêt jusqu’à ce que l’inflation atteigne son objectif annuel de 2 %. Les traders estiment à plus de 90 % la probabilité d’une hausse des taux de 75 points de base par la banque centrale la semaine prochaine, mercredi 21 septembre.

“À moins d’une surprise négative substantielle, nous doutons que cela change les perspectives d’une nouvelle hausse de 75 points de base du taux des Fed Funds lors de la réunion du FOMC du 21 septembre”, a confirmé Allison Boxer, économiste américaine chez Pimco. “La baisse récente des prix des produits de base devrait conduire à un chiffre mensuel négatif de l’IPC ; cependant, nous pensons que le chiffre de base sera similaire à celui du mois dernier, en baisse par rapport au rythme alarmant observé plus tôt dans l’année, mais toujours inconfortablement élevé. Sinon, nous pensons que les ventes au détail du mois d’août confirmeront que les consommateurs américains tiennent bon, car la baisse des prix de l’énergie a contribué à soutenir les dépenses dans d’autres catégories discrétionnaires”, a souligné M. Boxer, prévoyant une divergence entre l’IPC global et l’IPC de base en août, similaire au message du rapport de juillet.

JP Morgan : si c’est une récession aux États-Unis, elle sera molle.

L’IPC global devrait baisser en raison de la faiblesse récente des prix des produits de base, a-t-il expliqué. Le marché évalue à -0,18% sur une base mensuelle, ce qui serait le chiffre le plus faible depuis avril 2020. “Nous pensons que l’inflation de base sera plus forte, avec une hausse de 0,4 % en glissement mensuel, contre un consensus de 0,3 % en glissement mensuel. Comme le mois dernier, nous pensons que la combinaison d’une tendance plus faible de l’inflation des biens, de la baisse des prix des voitures d’occasion et de l’affaiblissement des prix des services de loisirs contribuera à faire sortir l’IPC de base du point d’ébullition observé au début de l’été”, a estimé M. Boxer. Il s’attend toutefois à ce que les données soient encore dangereusement chaudes pour les responsables de la Fed, car les prix des logements restent nettement supérieurs à la tendance pré-pandémique. Concernant l’économie américaine, la mise à jour de JP Morgan est également venue souligner que si le ralentissement attendu se transforme en récession, il s’agira d’une récession “douce”, un point de vue qui n’est pas sans rappeler celui de Goldman Sachs, qui prévoit un PIB de +1,2 % pour les États-Unis en 2023.

Mais contre l’inflation par les coûts, les banques centrales disposent d’armes émoussées.

Le risque est, en effet, qu’une hausse prématurée et rapide des taux provoque un ralentissement économique trop long et trop profond, conduisant à une récession. C’est pourquoi la Fed et la BCE ont décidé de mettre en œuvre des politiques monétaires différentes, a expliqué Antonio Tognoli, responsable de l’analyse macroéconomique chez Cfo Sim. “La Fed augmente les taux d’intérêt depuis des mois et le fait de manière beaucoup plus rapide et agressive que prévu : entre les annonces et les augmentations, le PIB a entre-temps diminué au cours des deux derniers trimestres.

La BCE, quant à elle, n’a annoncé que le 21 juillet la première hausse après la fin des interventions expansionnistes massives sur le marché. En partie à juste titre, la BCE estime que le risque de relever les taux trop tôt est plus important que les dommages causés par l’inflation. Le problème est que l’action de stérilisation ne dépend pas de la banque centrale mais des gouvernements, dont les temps de réaction ne sont pas courts. On peut donc aussi comprendre, note M. Tognoli, pourquoi, dans les négociations internationales, l’Italie a fait pression pour lancer une discussion sur un plafonnement des prix du gaz et du pétrole. Un plafond qui permettrait de calmer une bonne moitié de l’inflation.

Les prévisions actualisées de la BCE en matière de croissance et d’inflation sont éloquentes à cet égard : l’inflation devrait à nouveau atteindre 5,5 % en 2023, dépassant largement l’objectif à moyen terme de 2 %. La croissance en 2023 ne devrait être que de 0,9 %, en forte baisse par rapport aux 2,1 % prévus au début de l’été. “Bien que la banque centrale et les gouvernements soient confrontés au même adversaire, l’inflation, ils ne disposent pas des mêmes armes pour la contrer. Les mesures prises par l’État pour amortir le choc énergétique sont louables d’un point de vue social, mais plus discutables d’un point de vue économique”, a également souligné Clément Inbona, directeur de la Financière de l’Echiquier.

“En maintenant les prix de l’énergie artificiellement bas, les États creusent un déficit et une dette déjà élevés mais effacent aussi une partie de l’impact de la politique monétaire, soutenant le pouvoir d’achat des ménages et réduisant les coûts énergétiques des entreprises, et donc la demande. Les gouvernements font probablement un pari implicite en croyant que le choc énergétique est temporaire, une erreur commise par les banques centrales qui ont considéré que la poussée inflationniste héritée du choc de la crise sanitaire était temporaire. Mais pour combien de temps encore ?” se demande Inbona. La réponse pourrait venir de la BCE. “Si elle devait emboîter le pas à la Réserve fédérale américaine (Fed) en réduisant son bilan dans les prochains mois, l’impact à la hausse sur les taux remettrait en cause la logique du “tout ce qu’il faut” encore en place dans de nombreux pays.

La BCE a cependant une tâche supplémentaire par rapport à la Fed : maintenir sous contrôle les écarts de rendement entre les pays. Le problème qui se dessine fortement est que, dans un contexte général de hausse, les taux de rendement des BTP, par exemple (10 ans jusqu’à 3,928%), augmentent plus rapidement que ceux des Bunds allemands (10 ans jusqu’à 1,6585%), mais aussi que ceux des Bonos espagnols (10 ans jusqu’à 2,8%). La raison en est la diminution des achats d’obligations par la BCE (pratiquement le seul acheteur de la dette italienne au plus fort de la pandémie), conformément à la nouvelle politique monétaire. “Le risque de fragmentation qui est en train de se créer devrait être atténué par le TPI, le bouclier anti-spread, et par le réinvestissement des obligations arrivant à échéance achetées dans le cadre du programme Pepp, soit quelque 1 750 milliards d’euros, l’objectif à moyen terme étant de disposer d’une courbe des taux européenne unique”. La BCE a affirmé à plusieurs reprises qu’elle agissait avec souplesse. Pour être plus franc, nous naviguons en fait à vue”, conclut M. Tognoli. ()