Carige, décision sensationnelle : le Tribunal de l’UE annule la décision de mise sous séquestre de la BCE

Economie & Finance

Un nouveau rebondissement arrive dans les affaires juridiques de Carige. Mercredi 12 octobre, dans une décision sensationnelle, le tribunal de l’UE de Luxembourg a décidé d’annuler la décision de la BCE qui a placé l’institution génoise – désormais propriété de Bper – sous administration extraordinaire. La même juridiction l’a annoncé dans la matinée, déclarant qu’elle considérait que Francfort avait commis une erreur de droit dans la détermination de la base juridique utilisée pour adopter les décisions contestées.

L’appel de l’actionnaire Corneli

La procédure part d’un recours qui avait été déposé par Francesca Corneli, une actionnaire minoritaire de Carige qui avait mis dans le collimateur le choix fait en janvier 2019 par la banque centrale après l’assemblée des actionnaires de décembre 2018 qui avait rejeté l’augmentation de capital, en raison du vote contraire de l’actionnaire majoritaire Malacalza Investimenti, de la famille Malacalza qui avec le numéro un Vittorio Malacalza s’était opposé à la nouvelle augmentation de capital. Dans son arrêt, le Tribunal de l’Union a fait droit au recours, estimant que les décisions de la banque centrale sur les articles 69 et 70, paragraphe 1, de la loi bancaire consolidée et imposaient la contrainte de l’administration extraordinaire en raison de la “détérioration significative” de la situation de la banque.

Les motifs de la Cour

Selon l’interprétation du tribunal, ” les règles qui sous-tendent les décisions ne prévoient pas la dissolution des organes d’administration ou de surveillance des banques et la mise en place d’une administration spéciale ” si la ” détérioration de la situation de la banque ou du groupe bancaire [sarebbe] particulièrement significatif”. La BCE et la Commission ont fait valoir que la BCE est tenue d’appliquer le droit de l’UE en plus du droit national, ce qu’elle aurait fait en l’espèce en appliquant la disposition de la directive 2059/14, qui prévoit une administration extraordinaire en cas de détérioration importante de la situation de l’établissement concerné. Le Tribunal rejette les arguments de la BCE et de la Commission, affirmant que lorsqu’une loi nationale transpose une directive – comme c’était le cas de l’article 70 de la loi bancaire consolidée – c’est la loi nationale qui doit être appliquée.

La bataille juridique de la Malacalza

Le rôle de la Bce dans l’affaire Carige s’était également retrouvé dans le collimateur de la famille Malacalza, anciens actionnaires majoritaires relatifs de la banque. En 2021, les entrepreneurs de Piacenza avaient demandé à la Cour de justice de l’UE de condamner la Bce à les indemniser pour des dommages estimés à un total de plus de 875 millions d’euros pour “l’omission d’interventions consciencieuses” et “un comportement préjudiciable positif” liés à l’exercice de ses fonctions de surveillance de Carige. Francfort, explique l’appel, aurait effectué “un conditionnement et une ingérence abusifs dans les processus de gouvernance de la banque, en favorisant une gestion autocratique par les directeurs généraux, au mépris des règles du droit des sociétés et de la dialectique normale de l’organe administratif collégial, de manière à garantir la mise en œuvre de mesures imposées de manière abusive, en empêchant également la réaction à des pratiques de gestion abusives et préjudiciables, ainsi qu’en déterminant un facteur d’affaiblissement pour la banque”. Bien que le litige soit toujours ouvert, les Malacalza ont marqué ces dernières semaines un premier point en leur faveur : mercredi 28 septembre, le Tribunal de l’UE a en effet décidé que la Bce ne pouvait pas refuser à l’ancien actionnaire l’accès aux documents d’administration extraordinaire du 1er janvier 2019.

La demande de procès pour la banque et l’ancien ad Fiorentino

Ces derniers jours, entre-temps, le parquet de Milan a demandé le procès de Carige, de son ancien PDG Paolo Fiorentino et du responsable de la comptabilité de l’époque Mauro Mangani, accusés d’avoir truqué le marché en rapport avec le rapport semestriel 2018 et de ne pas avoir informé le marché de la nécessité d’amortir les prêts non performants (créances non performantes) de la banque pour des centaines de millions. L’acte d’accusation a été déposé par le procureur Paolo Filippini, qui, avec son adjoint Maurizio Romanelli, coordonne l’enquête.

L’intégration avec Bper

Le jugement du Tribunal de l’UE intervient dans une période de transition pour Carige. Après l’offre publique d’achat d’août et le retrait forcé, le processus d’intégration dans Bper, dans lequel la banque fusionnera d’ici novembre, a commencé. Les prochaines semaines verront donc les dernières étapes techniques pour faciliter l’intégration des deux institutions (autorisée hier par la BCE). Le plus délicat sera la résiliation des accords commerciaux sur la bancassurance et le crédit à la consommation, qui serviront à harmoniser les deux réseaux de distribution et à éviter les chevauchements. Dans les autres secteurs, en revanche, il n’y a pas de chevauchement. Si en effet dans la gestion des crédits compromis le partenaire de Gênes est le groupe Gardant avec lequel Modène négocie une alliance exclusive, dans la gestion des actifs Arca est le partenaire commun des deux groupes. Un projet important devrait alors prendre forme dans la banque privée. L’intention de Bper est en effet de concentrer toutes les activités du groupe sur Banca Cesare Ponti, la filiale de Carige qui devrait être renforcée dans les prochains mois par d’importants investissements.