Taxe sur les bénéfices supplémentaires des banques : la quintessence d’une action sordide

Economie & Finance

La manœuvre du gouvernement sur les marges d’intérêt des banques en un coup d’œil.

Une technique incompréhensible. Si vous voulez prendre l’argent des banques, il suffit d’augmenter le taux d’imposition unique. Qu’entendez-vous par taxes sur les bénéfices supplémentaires ? Dépasser 3 ou 6 % de croissance (ou 5 et 10 %, ils ont déjà reconsidéré la question), est-ce un surprofit ? À quoi rattache-t-on ce concept béni, que l’on aurait qualifié de communiste en d’autres temps ? Au taux d’inflation ? Au dépassement de la croissance du PIB ? À tout le cucuzzaro, comme on dit à Rome ? Boh.

Calculé de manière aléatoire. Les recettes prévues par les experts gouvernementaux sont de 3 milliards. En dix minutes, les analystes ont mis sur une feuille de calcul les données du bilan des banques et les prévisions pour 2023 et ont obtenu des recettes trois fois supérieures, soit environ 10 milliards.

Facilement contournable. La marge d’intérêt affectée est la différence entre les intérêts payés et les intérêts perçus auprès des clients. Étant donné que les bénéfices supplémentaires sont plus durement touchés en 2023, les banques s’efforceront de maintenir le solde à un niveau inférieur à la différence entre les bilans de 2022 et de 2021, de sorte que cette dernière sera imposée.

Du pain pour les avocats et les lobbyistes. La chasse est ouverte pour diluer et amender la règle pour les raisons écrites ci-dessus. A moins que (mais là on frise le diabolique) le gouvernement sache que c’est une résolution qui ne tient pas la route, mais demain il pourra toujours dire que les pouvoirs forts ne l’ont pas fait passer.

Actions italiennes ? A tenir à l’écart. Cette mesure marque la fin de la lune de miel entre le gouvernement et les marchés financiers. Pourquoi un gestionnaire achèterait-il des titres italiens (d’abord l’énergie, puis les banques) en sachant que demain, le carburant de toute hausse saine du cours des actions (l’augmentation des bénéfices des entreprises) sera coupé par le gouvernement ?

L’aléa moral. Le gouvernement prend la défense de ceux qui ont contracté un prêt hypothécaire ou un emprunt en optant pour un taux variable et qui se retrouvent aujourd’hui avec des remboursements très élevés dans quelques années. Attention, il ne s’agit pas ici de ceux qui ne peuvent pas faire leurs courses à cause de la hausse des taux. Il s’agit de clients qui, face à un choix, ont opté pour le taux variable, la situation la plus favorable du moment, en oubliant que ce choix allait s’avérer payant pendant 20 ou 25 ans. Une folie, pour qui sait faire la part des choses. La décision du gouvernement s’inscrit dans ce qu’on appelle l’aléa moral : je fais quelque chose au-delà du risque que je peux supporter parce que je sais que quelqu’un paiera pour moi.

Cible. Le gouvernement a déclaré que le produit de la taxe sera utilisé pour financer le fonds pour les hypothèques sur les premières habitations et pour des mesures visant à réduire la charge fiscale sur les familles et les entreprises. Mais les personnes concernées par des remboursements hypothécaires trop élevés sont-elles incluses ou non ? Payeront-ils moins d’impôts ? D’ailleurs, dans le calcul de leur perte due à la hausse des taux, l’avantage du taux variable devrait également être pris en compte, pour autant qu’il ait été inférieur au taux fixe. Sinon, c’est toujours Pâques.

Bénéficiaires de la garantie. Les banques, sans exception, ont trop profité de l’élargissement des spreads sur les actifs alors qu’elles ont très peu rémunéré et continuent de le faire sur leurs passifs. Elles vont maintenant devoir se convertir à cette pratique, ce qui profitera évidemment à des segments de la population très différents de ceux visés par la manœuvre, à savoir ceux qui ont beaucoup d’argent sur leurs comptes courants.

Victimes collatérales. Les institutions ne sont guère incitées à augmenter les prêts en 2023. Le “resserrement du crédit” va donc s’accentuer. Ce qui est particulièrement douloureux pour les petites et moyennes entreprises et pour les particuliers peu fortunés ou à faibles revenus. Les grands groupes ont des marges très étroites et ceux qui ont de l’argent, même s’ils en ont déjà trop, se voient proposer des prêts adossés à des actifs à des conditions de marge très favorables. Les banques n’aident pas ceux qui n’ont pas d’argent à en obtenir, elles aident ceux qui en ont déjà à en obtenir encore plus. Sans hypocrisie : cela fonctionne ainsi au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Suisse, en France, etc.