Que se passe-t-il si un marché baissier est associé à une récession ?

Economie & Finance

L’année 2022 restera dans les livres d’histoire comme l’année du retour de l’inflation, comme on n’en a pas vu depuis au moins quarante ans, et comme l’une des années où l’on a observé la plus forte corrélation entre les actions et les obligations de l’histoire récente. En outre, le retour d’un marché baissier, officiellement d’environ six mois, est un autre facteur auquel toute une génération d’investisseurs, en particulier ceux qui ont commencé leur carrière après 2008-2009, n’a jamais eu à faire face, souligne Edoardo Fusco Femiano, fondateur de DLD Capital SCF. Après le nouveau plus bas de l’année, le 12 octobre, les indices boursiers ont connu un rebond qui, à ce jour, peut encore être considéré comme un mouvement à contre-courant de la tendance primaire. Ce type d’évaluation est certainement valable aujourd’hui en ce qui concerne le S&P500 et le Nasdaq100.

Pour le Dow Jones et le Dax, le rebond est basé sur la valeur.

“La situation est sensiblement différente pour le Dow Jones et le Dax. En fait, contrairement au rebond qui s’est développé entre juin et août, le rebond du mois dernier était résolument axé sur la valeur, c’est-à-dire porté principalement par trois secteurs : l’industrie, les services financiers et les biens de consommation de base”, explique M. Femiano. En conséquence, “l’image technique des indices comportant une composante plus importante de valeurs de rendement semble encore plus constructive aujourd’hui”.

Compression des rendements des obligations d’État

En référence à ce qui a été observé lors du premier rebond du marché boursier entre juin et août, l’un des facteurs de soutien de cette reprise en valeur a été la compression de la force relative entre les rendements du dix ans américain et du S&P500. Et quelque chose de similaire est observé ce mois-ci. En effet, la compression des rendements obligataires au cours du mois dernier a été généralisée, se développant aussi bien dans le secteur des entreprises que dans les Treasuries.

Fille d’une stabilisation des attentes sur les Fed Funds

Une grande partie de cette compression des rendements, poursuit l’expert, est le résultat d’une stabilisation des anticipations sur les Fed Funds, suite à la dernière réunion de politique monétaire de la Fed, combinée à la publication du dernier chiffre de l’inflation américaine, qui est ressorti bien en dessous des estimations des analystes (7,7% contre 8,1%). Les attentes relatives aux Fed Funds pour la réunion de juin 2023, au cours de laquelle le taux terminal pour cette année devrait être fixé, se situent dans une fourchette de 4,75 à 5,5 %.

L’indice S&P500 se négocie à plus de 18 fois les bénéfices de 2023, un niveau qui n’est pas historiquement associé aux creux du marché.

“Les signaux provenant de l’image intermarché et des attentes sur l’inflation et les Fed Funds sont meilleurs que les semaines précédentes. Nous sommes confrontés à un rebond significatif, mais nous n’assistons pas encore à un renversement de la tendance principale des marchés d’actions”, souligne M. Femiano, en précisant que le premier aspect à prendre en considération est celui des valorisations actuelles par rapport aux perspectives pour l’année prochaine : le S&P500 se négocie aujourd’hui à plus de 18 fois les bénéfices attendus pour 2023 (bénéfices par action : 220 $, source : Factset), un niveau qui, historiquement, n’est pas associé à des creux de marché significatifs. Un deuxième aspect qu’il faut toujours garder à l’esprit est la poursuite de la pentification de l’inversion de la courbe des taux : une condition qui anticipe généralement l’arrivée d’une récession. Quelles sont, statistiquement, les implications du début d’une récession sur les marchés boursiers ? L’indice S&P500 a connu 15 marchés baissiers depuis 1968. Lorsqu’un marché baissier est associé à une récession, la correction moyenne de l’indice américain a été supérieure à 40 %.

Mais le marché n’a pas encore définitivement intégré le risque réel de récession.

Le risque réel d’une récession est ce que le marché n’a pas encore définitivement intégré : lors des deux dernières récessions, en 2000-2002 et 2008-2009, la baisse des revenus d’une année sur l’autre a été de 26 % et de 50 %, respectivement, et la baisse de l’indice global a dépassé 50 % dans les deux cas. Ce dernier aspect est lié à une autre preuve historique : dans l’histoire centenaire de l’indice S&P500, le creux d’un marché baissier se produit après une récession et après que la Fed a initié la première baisse de taux.

La bonne nouvelle : les marchés sont plus constructifs

Sur le plan technique, “les marchés sont certainement plus constructifs aujourd’hui qu’au cours des semaines précédentes, et le rebond observé tant sur les obligations que sur les actions est la meilleure nouvelle : après tout, tout cycle haussier commence par un rebond après un creux”, observe M. Femiano. Toutefois, ajoute-t-il, “les chances de voir arriver une récession sont très réelles aujourd’hui, comme n’a pas manqué de le faire remarquer Esther George, président de la Fed de Kansas City.” En résumé, “les effets d’une récession sur les marchés des actions sont plus que jamais d’actualité à ce stade du cycle économique, en particulier à la lumière d’un marché baissier qui dure depuis plusieurs mois, de la hausse constante des taux d’intérêt et de la volatilité qui est restée modérée ces derniers mois”. ()