Les représailles de la Russie font grimper les prix du blé et du maïs, l’ONU négocie le redémarrage des navires. Ce que l’Italie risque

Economie & Finance

La décision de la Russie de suspendre l’accord sur le transport de denrées alimentaires par la mer Noire, conclu en juillet sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, après l’attaque d’une partie de sa flotte en Crimée, fait grimper les contrats à terme sur le blé de 5,46% à 874,30 et sur le maïs de 2,32% à 695,50. Samedi 29 octobre, la Russie s’est désengagée de l’accord de l’ONU sur le blé pour une ” période indéfinie ” après avoir signalé une importante attaque de drones ukrainiens contre sa flotte en mer Noire.

L’ONU négocie le redémarrage des navires

L’ONU et la Turquie tentent de sauver l’accord. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’est efforcé hier, 30 octobre, de mettre fin à l’arrêt décidé par Moscou. Le ministère turc de la défense a déclaré qu’il était en pourparlers avec la Russie pour sauver l’arrangement et faire redémarrer les 218 navires, au départ et à l’arrivée, arrêtés en mer Noire parce qu’ils ne sont pas autorisés à passer par des corridors sûrs. Le Kremlin a demandé l’ouverture d’une enquête sur ce qu’il considère comme la plus grande attaque depuis le début de la guerre et a accusé l’Ukraine de laisser passer des drones dans le couloir de sécurité garanti pour le transport des céréales. La Russie se sent “menacée à ses frontières”, a déclaré le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et pour faire comprendre à l’Occident l’importance de l’enjeu, il a évoqué la crise des missiles de Cuba en 1962.

Ainsi, des centaines de milliers de tonnes de céréales prêtes à être livrées en Afrique et au Moyen-Orient sont désormais en danger. En outre, les exportations ukrainiennes de maïs vers l’Europe vont diminuer. Au début de l’année déjà, les prix du blé ont atteint un niveau record et ceux du maïs un niveau inégalé depuis 10 ans en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a alimenté les problèmes d’approvisionnement de Covid-19. L’Australie, l’un des principaux fournisseurs de blé à l’Asie, ne sera probablement pas en mesure de combler les lacunes de l’offre, les créneaux d’expédition étant réservés jusqu’en février, ont déclaré certains négociants à l’agence de presse Reuters.

Toutefois, malgré le retrait de Moscou, les Nations unies, la Turquie et l’Ukraine ont convenu d’un plan de transit qui sera mis en œuvre aujourd’hui, 31 octobre, et qui permettra à 16 navires de passer. En effet, selon le site spécialisé Marine Traffic, deux navires marchands chargés de céréales ont quitté les ports ukrainiens ce matin pour emprunter le corridor maritime humanitaire vers la Turquie. Douze navires marchands supplémentaires quitteront les ports ukrainiens et quatre autres s’y rendront, dont l’un, battant pavillon turc, a déjà pris la mer, a déclaré le Centre de coordination conjoint (JCC), chargé de superviser l’accord sur les exportations ukrainiennes de céréales par la mer Noire.

Une situation qui alimente la spéculation sur le marché des matières premières agricoles

L’Ukraine représentant à elle seule 10 % du commerce mondial de céréales, la fermeture des corridors de paix pour les exportations perturbe le marché, ce qui a des effets sur les prix et l’approvisionnement alimentaire des pays riches et surtout des pays pauvres, selon Mme Coldiretti. Une situation aggravée par la forte
la réduction des semis de céréales d’hiver en Ukraine à seulement 3,8 millions d’hectares, contre 6 millions en 2021, selon le ministère local de l’agriculture.

“Une situation qui alimente l’intérêt sur le marché des matières premières agricoles de la spéculation qui,” a averti Coldiretti, “passe des marchés financiers aux métaux précieux comme l’or aux produits agricoles où les cotations dépendent de moins en moins de la tendance réelle de l’offre et de la demande et de plus en plus des mouvements financiers et des stratégies de marché qui trouvent dans les contrats dérivés “futures” un instrument sur lequel n’importe qui peut investir en achetant et en vendant seulement virtuellement le produit, au détriment des agriculteurs et des consommateurs.”

La Russie et l’Ukraine représentent ensemble un peu plus de 30 % des exportations de céréales.

Dans ce scénario, le risque de famine concerne en particulier les 53 pays où la population consacre au moins 60% de ses revenus à l’alimentation et subit donc de plein fouet la hausse des prix des céréales induite par la guerre. La Russie et l’Ukraine représentent ensemble un peu plus de 30% des exportations de céréales, plus de 16% des exportations de maïs et plus de 75% des exportations d’huile de tournesol, selon une analyse du Centro Studi Divulga.

L’Italie importe 62 % de ses besoins en blé

Une urgence qui concerne aussi directement l’Italie, pays déficitaire qui importe pas moins de 62% de ses besoins en blé pour la production de pain et de biscuits, 35% du blé dur pour les pâtes et 46% du maïs dont il a besoin pour l’alimentation du bétail. L’Ukraine, avec une part d’un peu plus de 13% pour un total de 785 millions de kilos, est – poursuit Coldiretti – le deuxième fournisseur de maïs de l’Italie, qui est obligée d’importer environ la moitié de ses besoins pour assurer l’alimentation des animaux dans les étables, alors qu’elle garantit seulement 3% de l’importation nationale de blé (122 millions de kilos) et que les arrivées annuelles d’huile de tournesol sont de 260 millions de kilos, selon l’analyse des données Istat sur le commerce extérieur en 2021.

Pour le président de Coldiretti, Ettore Prandini, il est nécessaire d’œuvrer immédiatement pour des accords de filière entre les entreprises agricoles et industrielles avec des objectifs qualitatifs et quantitatifs précis et des prix équitables qui ne descendent jamais en dessous des coûts de production, comme le prévoit la nouvelle loi contre les pratiques déloyales. Il est également nécessaire d’investir dans l’augmentation de la production et du rendement des terres avec des bassins d’accumulation des eaux de pluie pour lutter contre la sécheresse, de contrer sérieusement l’invasion de la faune sauvage qui oblige de nombreuses zones intérieures à abandonner leurs terres, et de soutenir la recherche publique avec des innovations technologiques pour soutenir la production, protéger la biodiversité et comme outil de réponse au changement climatique. ()