Discours de Savona (Consob) sur les choix d’investissement des ménages italiens

Economie & Finance

Les deux nouvelles les plus importantes en termes de tendances économiques actuelles sont que l’épargne et les exportations, les deux macrovariables sur lesquelles repose le système italien, ont résisté au poids des événements défavorables, à la résurgence de l’inflation et aux turbulences des relations internationales.

Aujourd’hui, nous parlons uniquement de l’épargne. Là aussi, les effets socio-économiques de l’inflation ont fait l’objet de nombreuses discussions, qui se sont toutefois concentrées sur le rôle que la politique budgétaire (ou fiscale) et, plus encore, la politique monétaire devaient jouer pour la calmer.

La position que j’ai exprimée dans mon discours au marché en juin dernier était que les choix des deux politiques ne pouvaient pas être d’une ampleur telle qu’ils compenseraient les dommages socio-économiques de l’inflation, notamment parce qu’il était désormais clair que la hausse des prix allait se poursuivre. Face à cette insuffisance des instruments “traditionnels” de lutte contre la hausse des prix, j’ai indiqué que les effets pouvaient être atténués par la constitution, au niveau individuel, d’un portefeuille dont les composantes mobilières et immobilières, ainsi que la composante monétaire (euro et dollar) étaient équilibrées ; j’ai également fourni des indicateurs confirmant la capacité d’un tel portefeuille à compenser la perte de pouvoir d’achat de l’épargne due à l’inflation, à condition que le gouvernement et le parlement garantissent l’égalité de traitement juridique, et pas seulement fiscale, entre tous les actifs détenus. Après un intérêt initial pour la proposition, aucun progrès n’a été réalisé et, par conséquent, la discrimination dans le traitement réglementaire entre les actifs du portefeuille persiste, ce qui empêche la réalisation de l’objectif de protection de l’épargne sous toutes ses formes, tel que prévu par la Constitution.

Malgré la perte de pouvoir d’achat subie, le montant de l’épargne est resté inchangé, vraisemblablement en raison à la fois de l’amélioration de la répartition des revenus en faveur des couches supérieures de la population, capables d’épargner davantage, et de la volonté de reconstituer la valeur réelle des actifs détenus. D’autre part, elle a agi contre le recours à leur épargne par les ménages dont le revenu disponible n’a pas suivi la hausse des prix.

La politique monétaire étant devenue restrictive, les pressions sur la politique budgétaire se sont accrues, prenant un contenu et des dimensions qui ne correspondaient pas aux disponibilités budgétaires. La fonction d’utilité de la politique économique a pour macrovariables (présentées dans l’ordre d’importance établi par la Constitution) : la protection du travail, y compris par la croissance réelle ; une répartition équitable des revenus ; l’encouragement et la protection de l’épargne, toutes choses qui peuvent être poursuivies sous la contrainte de règles convenues au niveau international, en particulier les règles européennes, que le marché considère comme des “préférences révélées” qui fonctionnent comme un critère de capacité du gouvernement.

L’inflation est toujours liée à la quantité de monnaie et donc au financement des dépenses publiques par l’emprunt public : elle fonctionne comme un impôt caché et injuste qui viole le fondement démocratique de l’absence de taxation sans représentation. Pour ces principales raisons, la politique monétaire s’est vue accorder une condition d’indépendance opérationnelle vis-à-vis des organes de la démocratie. Le nier, c’est remettre en cause le fonctionnement de la démocratie sur laquelle repose la non moins importante fonction d’utilité de la politique sociale.

La politique économique suivie après la reprise de l’inflation en 2022 a choisi de privilégier les deux premières macro-variables : le travail, dont la protection repose sur le soutien à la croissance réelle, et la distribution équitable des revenus, dont la réalisation repose sur l’intervention du budget public. Le contenu de sa fonction d’utilité était tel qu’il admettait que la hausse des prix devait peser le plus lourdement sur l’épargne, à l’exception de sa modeste rémunération du fait de la hausse discutée des taux d’intérêt nominaux et de la prise en compte de compensations fiscales estimées de l’ordre de 2%. Cette solution n’a pas fait l’objet d’un débat politique explicite, ne serait-ce que pour constater ses effets sur l’équité distributive de la charge de l’ajustement des déséquilibres inflationnistes. (reproduit confidentiellement)