Des pharmacies italiennes répandues mais un chiffre d’affaires inférieur à celui de la France et de l’Allemagne

Economie & Finance

En 2021, les dépenses pharmaceutiques européennes, composées des médicaments vendus par le réseau territorial des pharmacies mais aussi des parapharmacies et d’autres points de vente, tels que les corners des supermarchés, s’élevaient à 204,4 milliards d’euros, celles de l’Italie à 16,3 milliards, dont 13,9 milliards de médicaments prescrits et les 2,4 milliards restants de médicaments non prescrits (sur une valeur totale du marché italien de la santé de 26,1 milliards en tenant compte des 9,8 milliards de médicaments supplémentaires tels que les compléments). La taille du marché italien en fait le cinquième marché européen, derrière l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Espagne et devant l’Autriche. Les données proviennent du troisième chapitre préparé par le département de recherche de Mediobanca d’une série de rapports sur la chaîne d’approvisionnement de la santé (les précédents Nutraceuticals et MedTech), consacré au secteur pharmaceutique en Italie en comparaison avec certains pays européens. L’étude se concentre sur les principaux réseaux de pharmacies.

L’analyse montre que les dépenses pharmaceutiques italiennes ont connu une contraction importante au cours de la dernière décennie : par rapport aux 18,8 milliards qu’elles marquaient en 2011, la réduction jusqu’en 2021 est de 13,3% et a touché les médicaments sur ordonnance de manière plus évidente (-15%) que les médicaments sans ordonnance (-2,6%). Cela contraste avec la tendance européenne, qui a connu une croissance de 29,3 % au cours de la même période. La baisse des dépenses territoriales en médicaments prescrits en Italie est le résultat de facteurs bien connus : une évolution défavorable des prix unitaires alimentée par la diffusion de médicaments équivalents, des politiques de maîtrise des dépenses de la part du Service national de santé et la succession des dates d’expiration des brevets. Si l’on évalue les marchés européens sur la base de la métrique des dépenses pharmaceutiques par habitant, l’Italie se distingue par l’une des valeurs les plus faibles : 275 euros contre une moyenne de 442,4 euros pour l’Europe.

Le marché de la santé s’appuie sur un réseau de points de vente composé en 2021 de 19 901 pharmacies, plus 4 046 parapharmacies et 462 points de vente de la grande distribution, autorisés depuis 2006 à vendre des médicaments sans ordonnance. Tous ces canaux ont connu une expansion significative des points de vente depuis 2010, plus évidente pour les corners (+68%) et les parapharmacies (+61,1%) que pour les pharmacies (+11,8%), qui conservent néanmoins la grande majorité du marché des médicaments sans ordonnance, avec une part d’environ 90%. Et ce, malgré le fait que les pharmacies sont le canal avec les prix unitaires les plus élevés pour les médicaments sans ordonnance (9,9) en raison de leur plus grand assortiment (parapharmacies 9, supermarchés 7,4).

Le chiffre d’affaires diminue, le nombre de pharmacies augmente

L’articulation du réseau de pharmacies en Italie est très capillaire. Depuis 2015, leur nombre a augmenté de 9,3%, en raison de la croissance des privés (+10%) alors que les publics ont évolué plus modestement (+2,7%). Le nombre d’habitants par pharmacie en Italie est passé de 3 340 habitants/pharmacie en 2015 à 2 977 en 2021 (-10,9 %), en dessous de la moyenne européenne de 3 245 habitants et de la moyenne mondiale de 3 600. Le chiffre d’affaires total développé par les pharmacies italiennes s’est élevé à 24,4 milliards en 2021, en baisse de 4% par rapport à 2015. La contraction du chiffre d’affaires a touché toutes les références, des médicaments de prescription (-9,3%), qui représentent 56,9% des ventes totales aux médicaments sans ordonnance (-5,3%, stable à 9%) à toutes les divisions non pharmaceutiques, à la seule exception notable des produits notifiés qui, tirés principalement par les suppléments, ont marqué une progression de 32,9% par rapport à 2015. La combinaison de la baisse du chiffre d’affaires et de l’augmentation du nombre de pharmacies a généré une baisse significative du chiffre d’affaires moyen par pharmacie, qui est passé de 1,399 million en 2015 à 1,228 million en 2021 (-12,2%). L’évolution négative du chiffre d’affaires global et unitaire se justifie par le rééquilibrage de la demande et la baisse des volumes vendus, plutôt que par la dynamique des prix. En ce qui concerne le premier facteur, l’incidence sur les ventes des médicaments protégés par un brevet, qui offrent les prix unitaires les plus élevés, est passée de 41,3 % en 2010 à 24 % en 2021, les références dont le brevet est expiré sont passées à 45,2 % (contre 41,5 %) tandis que les génériques ont presque doublé, passant de 17,2 % en 2010 à 30,8 % en 2021. En ce qui concerne la dynamique des prix au sein du système pharmaceutique, la variation entre 2018 et 2021 marque une progression de 3,2% (9,6 le prix moyen), avec les augmentations les plus voyantes pour les médicaments sans ordonnance (+8,8%) et notifiés (+4%), au sein desquels il faut noter la progression des prescriptions médico-chirurgicales, +5,6%, et des compléments (+4,6%). Ces derniers représentent la référence avec le prix unitaire le plus élevé à 16 € en 2021. Au cours des six premiers mois de 2022, le chiffre d’affaires des pharmacies a connu une croissance significative, tant en termes de chiffre d’affaires (+8,1%), qui a atteint 13,1 milliards, qu’en termes de paquets (+8,2%), une tendance qui reste positive même en excluant la composante Covid (prélèvements et tests en pharmacie) : +6,1% en valeur et +6,6% en volume.

L’Italie par rapport aux pays européens

Le chiffre d’affaires moyen par pharmacie, qui s’élève aujourd’hui à 1,2 million en Italie, est à comparer avec 1,9 million en France et 3,3 millions en Allemagne et en Autriche. Seule l’Espagne, avec une moyenne d’un million d’euros, présente une taille inférieure. La petite taille des pharmacies italiennes se reflète également dans les effectifs, qui s’élèvent à 4,5 employés par point de vente, contre 5,9 en France, 8,7 en Allemagne et 12,4 en Autriche, chiffres à comparer aux 4,1 en Espagne. Aussi problématique soit-il, le décompte des ventes au mètre carré place la France (22,3 milliers) et l’Allemagne (19,7) en tête, l’Italie (16,7) dans la lignée de l’Autriche (16,4) et l’Espagne derrière (14,3 milliers). D’autre part, la superficie moyenne de l’Italie, qui est d’environ 74 mètres carrés, est à comparer aux 165 mètres carrés des plus grands pays européens. L’Italie est décidément désavantagée en ce qui concerne la dépense moyenne par habitant pour la pharmacie : ses 413,2 euros par an la placent en bas du classement, devant l’Allemagne avec 733 euros. D’un point de vue économique, les entreprises de vente au détail de médicaments en Italie affichent une marge d’ebitda de 9,2% dans le cas d’un chiffre d’affaires supérieur à cinq millions, qui passe à 10,9% pour la tranche avec un chiffre d’affaires compris entre trois et cinq millions. Cette marge est sensiblement en ligne avec celle des pharmacies des principaux pays européens : 9,9% en Autriche, 12,3% en France et 12,4% en Allemagne. Sur certains marchés internationaux, les cessions de pharmacies sont réglées à des multiples d’environ sept fois l’ebitda.

Plus de services en pharmacie

Dans un avenir proche, l’émergence d’une pharmacie de service et omnicanale est de plus en plus attendue. En 2021, 5 894 pharmacies ont dispensé des services de diagnostic, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2020, pour un total de 250 946 services, en hausse de 79 % par rapport à l’année précédente (une moyenne de 43 services par an et par pharmacie). Les services fournis en 2021 comprennent 64 % d’électrocardiogrammes (+87 % par rapport à 2020), 22 % de surveillance cardiaque Holter (+69 %) et les 14 % restants de lectures de la pression artérielle sur 24 heures. La prestation de services pose des défis majeurs aux pharmacies en termes de formation professionnelle, de collaboration avec les médecins traitants, de disponibilité de temps et aussi d’espace physique dans les points de vente. En Italie, le chiffre d’affaires des ventes en ligne des pharmacies (qu’elles soient physiques avec leur propre portail ou exclusivement numériques) s’élève à 437 millions en 2021, soit une hausse de 14 % par rapport aux 383 millions de 2020, elle-même en hausse de plus de 66 % par rapport aux 230 millions de 2019. Entre 2021 et 2019, la croissance a donc été de 90%. Les chiffres du premier trimestre 2022 confirment la poursuite de la croissance de la pharmacie en ligne italienne, qui a atteint 178 millions, soit une hausse de 24,8 % par rapport à la période correspondante de l’année précédente. Cette dynamique projette l’incidence de la chaîne numérique à 5%, encore loin des 23% de l’Allemagne et des 10%-15% des principaux pays européens. En Italie, la réduction moyenne des prix sur le canal en ligne peut atteindre 33 % par rapport au canal physique. Une ligne de produits encore marginale dans les pharmacies, mais au potentiel important, concerne les marques de distributeurs, dont l’incidence en 2021 est estimée à environ 0,6% des ventes totales (1,5% hors médicaments de prescription), pour un chiffre d’affaires d’environ 155 millions, en hausse de 72,5% par rapport à 2019. En comparaison, les marques de distributeurs dans les supermarchés à dominante alimentaire représentent 19,8% des ventes. L’acceptation des pharmacies est attestée par la croissance des prix unitaires (+13% par rapport à 2019) et du nombre de références (+37%). ()