Plenisfer (Generali) : la répression financière menace l’épargne. Comment se défendre

Economie & Finance

C’est le répression financière le plus grand risque pour les épargnants aujourd’hui. La combinaison de taux bas et d’une inflation élevée permettra de contenir la dette publique, mais pèsera sur les portefeuilles privés. Girodano Lombardo, ceo de Plenisfer sgr (une des boutiques de l’écosystème de gestion d’actifs de Generali) en est convaincu, selon lequel le jeu de 2023 se jouera sur deux terrains bien connus : l’inflation et les banques centrales d’une part, la géopolitique d’autre part. “Nous préférons nous limiter à faire le point, à décrire le scénario de référence de notre portefeuille. C’est le point de départ de la définition du portefeuille”, explique le gestionnaire.

Le rôle de l’inflation et des banques centrales

Tout d’abord, inflation e banques centralesce sera toujours la variable clé qui devrait déterminer l’orientation des marchés financiers en 2023. “C’était le thème dominant de 2022 et l’effet sur les marchés financiers a été brutal : 2022 a été la première année depuis 1870 où les actions et les obligations américaines ont chuté de plus de 10 %”, se souvient Lombardo.

L’inflation, tout en restant élevée, a commencé à reculer à la fin de l’année dernière. Selon le consensus, la Fed pourrait baisser ses taux dès le second semestre de cette année. On s’attend à ce que nous puissions revenir à une situation de stabilité des prix, de taux d’intérêt bas et de croissance modérée, mais suffisante pour maintenir le plein emploi.

“Nous ne sommes pas du tout convaincus de cela. Nous pensons que la nouvelle normalité sera la répression financière et qu’il n’y aura pas de retour au statu quo d’avant 2021”, explique M. Lombardo. Et ce, pour plusieurs raisons : les taux d’intérêt réels, mesurés par rapport à l’inflation réelle, sont toujours négatifs, les rendements obligataires américains à long terme sont compatibles avec l’hypothèse d’une récession, même légère, mais ne sont pas compatibles avec des prévisions de bénéfices encore robustes ou avec le niveau des spreads des entreprises, qui restent en dessous des sommets historiques, les effets cycliques de la réouverture de la Chine après trois ans de verrouillage sévère sont inflationnistes, tous les facteurs inflationnistes séculaires tels que la montée des conflits géopolitiques, la démographie, la faible productivité, les pénuries structurelles de matières premières et d’énergie demeurent.

“Il est possible que l’inflation continue de reculer dans les prochains mois et une légère récession est plausible. Mais les deux ne nous autorisent pas à abandonner la lutte contre l’inflation. Les précédents historiques nous enseignent que l’inflation procède par vagues et que pour la battre, il faut une dose beaucoup plus importante de resserrement monétaire, c’est-à-dire des taux réels positifs, et administrés pendant plus longtemps que jusqu’à présent”, déclare M. Lombardo.

Mais jusqu’où les banques centrales sont-elles prêtes à aller ? “A notre avis, la réponse la plus probable est : pas jusqu’au bout. Ils ne pourront pas se le permettre en raison de l’énorme quantité de dettes publiques et privées qui ont déjà atteint des niveaux critiques dans plusieurs pays, de 20 % en France à 15 % aux États-Unis, et dont le coût augmente avec la hausse des taux d’intérêt. Les banques centrales ne pourront donc pas être trop déterminées dans la lutte contre l’inflation, sinon le coût du service de la dette deviendra trop élevé. Ils devront laisser l’inflation faire le sale boulot de réduire le coût de la dette en termes réels, avec de lourdes répercussions en termes de redistribution de la valeur : des épargnants et des créanciers en faveur des débiteurs, en particulier les États. Nous nous retrouverons donc dans un scénario de répression financière”, prédit M. Lombardo. Selon la vision du sgr, nous devrons apprendre à vivre avec une inflation plus élevée que celle que nous avons connue ces 20 dernières années, et avec un niveau de taux d’intérêt insuffisant pour préserver la valeur réelle de l’argent et de l’épargne. C’est un véritable changement de paradigme pour les investisseurs”, déclare M. Lombardo.

Risques géopolitiques

Le deuxième terrain de jeu de 2023 sera le géopolitique. “Notre hypothèse de base est que la situation géopolitique reste instable parce que les conflits majeurs sont structurels et ne sont pas faciles à résoudre à un moment de faiblesse cyclique de l’économie mondiale. Les tensions qui sont apparues ces dernières années et ont explosé en 2022 n’ont pas de solutions claires à court terme, ce qui implique que la volatilité sur les actifs risqués reste élevée. Les actions et les obligations, mais aussi les matières premières et les devises seront affectées. La plupart des risques énumérés ont également des implications inflationnistes dans les scénarios extrêmes, et seule la cessation des hostilités en Ukraine a des implications déflationnistes”, indique M. Lombardo.

Implications pour les stratégies d’investissement

“L’une de nos thèses fondamentales est que le modèle de diversification traditionnel basé sur les deux piliers… actions-obligationsc’est-à-dire 60 % d’actions et 40 % d’obligations, qui a bien fonctionné pendant la phase de 40 ans de baisse des taux, est en crise”, ajoute M. Lombardo. L’année 2022 a prouvé que cette thèse était vraie, les actions et les obligations étant toutes deux en forte baisse. Cela ne veut pas dire qu’un portefeuille équilibré ne peut pas enregistrer de nouvelles performances au cours de certaines années, même en 2023. Mais “l’inadéquation du modèle 60/40 devient encore plus évidente dans un contexte de répression financière et d’instabilité géopolitique. Dans ce scénario, les marchés des obligations d’État des pays qui ont l’intention de pratiquer la répression financière, c’est-à-dire les principaux pays développés, seront évités, tandis que l’instabilité géopolitique rendra les actifs plus risqués, tels que les actions, plus exposés à une volatilité accrue du marché”, poursuit M. Lombardo.

Comment protéger les portefeuilles

Que faire, alors ? “L’objectif principal devient la protection des valeurs. de portefeuilles en termes réels. Ainsi, les matières premières et les métaux, tant industriels que précieux, ne peuvent être absents en tant que composante structurelle du portefeuille. La composante liquide devra être considérée dans une fonction différente de la fonction traditionnelle d’actif sans risque, c’est-à-dire en raison des caractéristiques d’optionnalité qui en font un actif stratégique en période de volatilité. La prime de liquidité, qui a favorisé l’utilisation massive d’actifs privés dans les portefeuilles, devra être reconsidérée structurellement. Tant en raison de la présence d’une forte composante d’effet de levier dans la génération de rendement passée, désormais mise en danger par la hausse des taux d’intérêt, que parce que dans une période de répression financière et de volatilité endémique, la valeur stratégique des actifs liquides ou liquidables augmente structurellement”, explique M. Lombardo.

Modifier le processus d’investissement

Enfin, dans le nouveau paradigme de la répression financière et de la volatilité, la traditionnelle processus de placement en deux phases : l’allocation d’actifs et la sélection de titres, précisément en raison de la difficulté pour les différentes classes d’actifs de remplir leur fonction comme par le passé. “Une nouvelle méthode est nécessaire, que nous avons identifiée dans la déconstruction des classes d’actifs traditionnelles pour les reconstruire en stratégies non corrélées utilisées en fonction de l’objectif risque/rendement. C’est l’approche que nous avons adoptée depuis le lancement de Plenisfer et elle porte ses fruits en ce moment. Le chemin à parcourir est encore long et la partie à jouer dans les années à venir restera complexe. La condition pour la gagner est de bien comprendre ce qui se passe réellement et quelles sont les nouvelles règles du jeu”, conclut M. Lombardo. ().