Voici comment les compagnies d’assurance résolvent l’énigme de l’inflation

Economie & Finance

Il n’est pas facile pour les banques centrales de faire le tri entre la nécessité de relever les taux d’intérêt pour réduire les dégâts d’une inflation excessive et les risques qu’une intervention trop importante entraîne un ralentissement de la croissance économique. Mais même pour l’assurance, la situation est décidément compliquée, toutes les classes d’actifs étant sous pression, des actions aux obligations. Les opportunités ne manquent pourtant pas, comme l’explique David Gillard CIO Insurance &amp ; Regulatory Strategies chez Allianz Global Investors, même si le niveau des spreads devra être maîtrisé.

Question. Entre inflation et hausse des taux, quelle est votre vision des marchés et quel impact cela aura-t-il sur les portefeuilles d’assurance ?

Réponse. Il est désormais bien établi qu’il y aura un ralentissement de la croissance économique sur les marchés européens. Mais nous maintenons une opinion relativement constructive, les taux offrant de la valeur à ce niveau. L’accent est mis sur les produits liés aux spreads car le ralentissement entraînera une hausse des spreads et nous devrons voir quelle sera l’ampleur du ralentissement. Mais c’est maintenant qu’il faut commencer à accumuler des positions. Les banques centrales et les gouvernements sont davantage conscients des risques économiques de récession. Les banques centrales doivent regagner leur crédibilité et, conscientes des coûts élevés de l’inflation, elles doivent pouvoir se tourner vers l’avenir en prenant des mesures anticycliques. Les gouvernements devront également réagir pour soutenir les spreads.

Question. Quelles différences y aura-t-il entre les différents pays européens ?

Réponse. Nous devrons voir quel sera le taux d’inflation dans les différents pays européens, l’Allemagne, la France, l’Espagne ou l’Italie. Pour le secteur des assurances, la question est de savoir quel sera le coût de l’inflation pour les investissements et comment le gérer au mieux. Mais l’essentiel reste la capacité de la Banque centrale européenne à agir en temps voulu pour réduire l’inflation et stabiliser les spreads.

Question. Comment voyez-vous l’Italie où s’ajoute l’incertitude liée aux élections du nouveau gouvernement ?

Réponse :. Nous sommes conscients de l’incertitude, mais les récentes nouvelles de la BCE renforcent la confiance. Les spreads européens offrent de la valeur mais la BCE s’est clairement engagée à limiter l’augmentation des spreads en stabilisant la zone euro.

Question. Les compagnies d’assurance peuvent-elles trouver refuge dans les investissements alternatifs ?

Réponse. L’allocation aux actifs privés augmente depuis un certain temps, pour plusieurs raisons : diversification, recherche de rendements, impact social et évolution des modèles économiques (par exemple, l’accent mis sur les facteurs ESG). Il convient de souligner qu’il n’existe pas de solution unique : l’allocation aux marchés privés dépend de facteurs tels que la propension au risque et la taille du portefeuille. Toutefois, nous constatons que les grands assureurs consacrent souvent plus de 20 % de leurs portefeuilles à des actifs privés. La justification fondamentale de l’investissement dans les actifs privés est qu’ils sont capables d’offrir des flux de trésorerie cohérents et durables dans le temps, conformément aux horizons temporels des engagements figurant dans leurs bilans, tout en offrant les avantages financiers et non financiers supplémentaires que nous avons mentionnés.

Question. Quel sera l’impact de la révision des règles de solvabilité discutée à Bruxelles ces dernières semaines sur les investissements en assurance ?

Réponse. D’un point de vue technique, la révision de Solvabilité II, dont le projet a été publié l’année dernière, est bien avancée et pourrait être mise en œuvre dès 2025. Plusieurs changements pourraient affecter les portefeuilles d’assurance. Le nouveau calibrage du SCR, la révision de l’ajustement de la volatilité et la nouvelle méthode d’extrapolation des courbes de taux sans risque pourraient avoir un impact significatif sur le profil de gestion actif-passif des portefeuilles. En outre, la mise à jour de l’équité à long terme et les changements à venir dans le traitement des actifs verts pourraient récompenser directement des actifs spécifiques. En tout état de cause, les implications de la révision de Solvabilité II sont actuellement secondaires, en termes d’ampleur et d’urgence, par rapport aux conséquences des mouvements du marché depuis le début de l’année, tant du point de vue de la valorisation du portefeuille que de l’impact sur les réserves. ()