Semi-conducteurs : pourquoi l’interdiction américaine d’exporter des puces vers la Chine échoue

L’interdiction par les États-Unis des exportations de puces vers la Chine ne tient pas. Selon Bloomberg, des semi-conducteurs produits par Texas Instruments et Analog Devices sont entrés en Russie cette année pour être livrés à des entreprises locales liées à l’armée russe, malgré les restrictions à l’exportation. Selon les données des douanes russes fournies par l’organisation d’enquête à but non lucratif C4ADS, basée à Washington, les expéditions de puces ont notamment augmenté au cours du premier semestre de l’année, nombre d’entre elles passant par Hong Kong avant de se rendre dans le pays sanctionné. Cela a sapé les efforts visant à tenir les technologies à l’écart des forces armées de Vladimir Poutine à la suite de l’invasion de l’Ukraine.

Plus de 200 entreprises russes ont reçu 17 000 puces de Texas Instruments.

Les représentants de Texas Instruments et d’Analog Devices ont déclaré qu’ils n’avaient pas vendu les puces directement aux entreprises de Hong Kong et qu’ils avaient tous deux cessé de faire des affaires avec la Russie en 2022. Toutefois, les semi-conducteurs produits par les deux entreprises ont continué à être acheminés vers le pays, ce qui souligne les difficultés de l’administration Biden à empêcher la technologie américaine de tomber entre les mains des Russes. En fait, plus de 200 entreprises en Russie, dont deux sont désormais sanctionnées par les États-Unis, ont reçu 17 000 puces Texas Instruments entre janvier et mai de cette année, selon des données consultées par Bloomberg News. La valeur totale des livraisons s’élevait à 25 millions de dollars. Les puces envoyées aux entreprises russes sanctionnées ont été manipulées par deux entreprises de Hong Kong, elles-mêmes sanctionnées en octobre.

Deux sociétés de Hong Kong sanctionnées

Plus précisément, le plus grand bénéficiaire russe de puces Texas Instruments, d’une valeur de 3 millions de dollars au cours de la période, était l’entreprise d’électronique automobile NPP Itelma, qui a été ajoutée à la liste des entreprises sanctionnées par les États-Unis en septembre dernier. La deuxième plus grande entreprise, VMK, a reçu des puces Texas Instruments pour une valeur de 2,3 millions de dollars et a également été sanctionnée en septembre pour avoir fourni des systèmes de guerre électronique à l’armée russe. Les deux sociétés de Hong Kong qui ont envoyé des puces américaines à NPP Itelma et à VMK – Win Key et Tordan Industry – ont envoyé au total pour 62 millions de dollars de puces à la Russie au cours de la période examinée. Texas Instruments s’est immédiatement défendue, a déclaré qu’elle n’avait pas connaissance de la vente de ses puces à des entités liées à l’armée russe et a réaffirmé qu’elle s’opposait à l’utilisation de ses puces dans l’équipement militaire russe. “Toutes les expéditions de produits Texas Instruments vers la Russie sont illégales et non autorisées”, a déclaré la société dans un courrier électronique.

Toutefois, selon Jack Freed, analyste chez C4ADS, les entreprises américaines pourraient faire davantage pour stopper le flux de produits vers la Russie. Certes, la valeur des puces de Texas Instruments envoyées en Russie ne représente qu’une petite fraction de son chiffre d’affaires annuel d’environ 18 milliards de dollars. Cependant, selon C4ADS, elles font partie d’un flux entrant dans le pays en provenance de Hong Kong. En fait, les recherches de la société ont révélé que plus de 61 000 expéditions de puces américaines et européennes ont atteint plus de 500 entreprises russes au cours du premier semestre de l’année, pour une valeur totale de 528 millions de dollars.

Analog Devices, basée à Wilmington (Massachusetts), a également envoyé ses puces aux deux sociétés russes aujourd’hui sanctionnées par l’intermédiaire de deux sociétés de courtage de Hong Kong. Le nombre d’expéditions a dépassé les 13 000 au cours de la période examinée. Quant à Intel, il s’agit du plus grand producteur de puces à destination d’un large éventail d’entreprises russes, mais une seule livraison de ses semi-conducteurs, effectuée en janvier, est allée à une entité russe désormais sanctionnée, VMK. Intel a déclaré qu’elle avait rapidement suspendu toutes les livraisons à ses clients en Russie et au Belarus après le début de la guerre en Ukraine et pour se conformer aux sanctions et aux réglementations en vigueur dans les pays où elle opère. On ne sait donc pas comment les puces américaines sont parvenues jusqu’aux entreprises de Hong Kong. Toutefois, pour les chercheurs du C4ADS, les entreprises américaines devraient examiner de plus près le flux de leurs produits. La question est de savoir si elles peuvent dire qu’elles n’étaient pas au courant”, a déclaré Diana Friling, avocate new-yorkaise spécialisée dans les sanctions et les contrôles à l’exportation. D’ailleurs, même lorsque les entreprises sont condamnées à une amende pour violation des règles commerciales, il s’agit d’une pénalité minime par rapport à ce qu’elles devraient dépenser pour mener une enquête plus approfondie. ()